Accueil Economie Emploi Chimie verte : Vers une filière micro-algues en PACA

Chimie verte : Vers une filière micro-algues en PACA

La valorisation des algues fait de plus en plus parler d'elle comme une solution à expérimenter dans la lutte contre le réchauffement climatique : Les algues se nourrissent de soleil et de CO2. Elles produisent des lipides : des huiles qui peuvent être raffinées en biocarburant. Elles peuvent être cultivées sur des surfaces non agricoles.

Un chiffre : 100 tonnes d'algues peuvent assimiler 183 tonnes de CO2

En 2005, « investir dans les algues » paraissait encore très très exotique. Depuis 2007-2008, l'image a changé, alors que de grands Groupes comme Exxon annonçaient vouloir investir 600 millions $ dans le « nouveau pétrole vert »... Qu'en est-il vraiment ?

A ma demande, les services de la Région ont donc organisé, le 4 juillet 2011, une journée de séminaire qui a rassemblé des élus régionaux (6 élus présents dont 4 élus écolos très attentifs : c'est bien), des chercheurs, des entreprises, des enseignants, l'Ifremer, l'Ademe... : « Journée micro-algues : Enjeux et perspectives pour une filière industrielle ». L'Institut de Microbiologie de la Méditerranée (CNRS) s'est beaucoup investie dans la préparation de cette journée : Merci à Mireille Bruschi.

Cette journée avait pour but de :

  • Connaître et faire connaître ce qui se fait déjà sur ce sujet dans notre Région : Objectif réussi en la matière : la journée a permis à tous de se rencontrer et de découvrir les travaux des autres. Nous avons tous été surpris de découvrir les nombreuses recherches et entreprises déjà positionnées sur ce créneau.

  • Anticiper et accompagner des applications industrielles : « industrielles » au sens de l'application concrète d'une recherche réalisée en laboratoire et d'une production à échelle de masse... car c'est bien la dimension industrielle qu'il faut viser aujourd'hui si on veut répondre sérieusement à l'enjeu énergétique et climatique.

  • Se donner un niveau d'expertise suffisant pour accompagner les décisions des élus régionaux et former les services à cet enjeu (on en a pris des notes !)

La journée a permis de confirmer l'intérêt et les potentialités de cette filière et d'identifier les obstacles actuels.

On estime à un million le nombre d'espèces d'algues (tous milieux possibles) mais 1% seulement sont isolées et répertoriées... et une vingtaine d'espèces seulement sont triturées en laboratoire, pour trouver les gènes régulateurs, les bons enzymes facteurs de croissance. On connaît encore mal le métabolisme des algues, et leur écosystème (interaction avec l'environnement, en dehors du labo). Un potentiel énorme de recherche existe donc, lié à la connaissance de la biodiversité en elle-même.


La rentabilité et la « productivité demandée » n'est pas encore suffisante
. Il faut beaucoup de surface à ce jour pour produire un volume d'huile intéressant : D'une expérience à l'autre, cela donne de 2 tonnes à 20 tonnes par hectare et par an. On est loin du nouveau pétrole miracle (attention aux annonces de 50 tonnes voire 100 tonnes par hectare et par an). Il existe plusieurs technologies : un modèle extensif sur de grandes surfaces (Ex. projet Salins du Midi) ou un modèle plus concentré : fermentation en grands tubes, par exemple.

La production reste encore coûteuse. La récolte et l'extraction demande beaucoup d'énergie. Mais avec les progrès de la recherche d'un côté, et la hausse du prix du pétrole de l'autre, il est probable que ce décalage de coût diminue.


A ce stade, les grands Groupes français (Veolia, Suez) s'intéressent aux potentiels de cette filière mais sont frileux à investir.
Il est donc évident que le développement passera, une fois de plus, par des investissements publics dans la recherche et les PME innovantes capables d'expérimenter différents brevets et modèles de production. Je pense cependant que ces grands Groupes doivent mettre la main à la poche et qu'il serait trop facile et pas très juste de leur faire bénéficier gratuitement des investissements publics... Je crois que c'est l'un des enjeux des projets d'Institut dExcellence sur les Energies Décarbonées (IEED) en cours de labellisation dans le cadre des Investissements d'Avenir (Grand Emprunt).


De toute façon, l'enjeu aujourd'hui n'est pas d'installer de grosses usines standardisées partout, mais de sortir du laboratoire pour installer des démonstrateurs et réaliser des tests grandeur nature
. Des projets de bioraffineries existent pour le Grand Port de Marseille et la zone de Fos... Il faudrait que le Grand Port se bouge un peu plus sur la question !

Je retiens de cette journée plusieurs intérêts forts :

  • La diversité des modèles et des applications qui se traduira plutôt dans un développement de PME,

  • La possibilité d'intégrer les algues dans des process industriels, à divers usages, en synergie avec les activités et industries environnantes et en respectant les contraintes du territoire (ensoleillement par exemple), dans une logique d'écologie industrielle (On peut rêver de couvrir les zones industrielles d'algues : ce serait poétique non ?);

  • La possibilité de créer de nouveaux emplois, notamment sur la zone industrielle de Fos, dans une logique de reconversion écologique ;

  • La montée en compétence et en valeur ajoutée pour les chercheurs, étudiants, futurs salariés... avec une forte interdisciplinarité (faire travailler ensemble la biologie, la chimie, la physique...) et la valorisation d'un fort potentiel de recherche à Aix-Marseille et à Sofia Antipolis.

A ce stade, cette journée a confirmé l'intuition que peuvent avoir les écologistes qu'il existe beaucoup de solutions pour répondre à l'enjeu climatique, mais pas pour autant UNE solution miracle unique. L'avenir énergétique sera fait de multiples solutions, décentralisées, originales ou cousues mains, et à haute valeur ajoutée, et je pense que la filière micro-algues en fera partie.

Pour finir, cela renforce le projet d'IEED sur les microalgues Greenstars, déposé la Région PACA et la Région Languedoc Roussillon, qui associerait plusieurs pôles de compétitivité, laboratoires de recherche et entreprises de nos deux régions. Ce projet reste dans la liste des finalistes (voir ci-dessous). L'enjeu est vraiment de donner un sens et une visibilité forte à cette filière.

Pôle Mer - Greenstars

Grand emprunt : les deux premiers lauréats de l'appel à projets IEED
(Instituts d'excellence sur les énergies décarbonées)

Les deux premiers lauréats de l’appel à projets IEED (Instituts d'excellence sur les énergies décarbonées) ont été annoncés mercredi 1er juin 2011. Il s’agit du projet INDEED (Institut National pour le Développement des Ecotechnologies et des Energies Décarbonées) à Lyon et du projet PIVERT (Picardie Innovations Végétales, Enseignements et Recherches Technologiques) dans l’Oise.

19 projets ont été reçus pour cet appel à projets doté d’un milliard d’euros.

Outre les deux lauréats, six projets ont été recommandés par le président du jury, Christian Streiff pour faire l'objet d'un examen complémentaire :

  • France Energies Marines, à Brest avec des sites d'essais à Nantes, à Bordeaux, à la Réunion et en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, (Il s'agit du projet EOLIENNES FLOTTANTES)

  • - France Energie Solaire - Institut Photovoltaïque d'Ile-de-France, à Saclay,

  • - Greenstars, près du bassin de Thau (MICROALGUES, Languedoc Roussillon et PACA),

  • - Institut Français des Matériaux Agro-Sourcés, à Villeneuve-d'Ascq,

  • - INEF4, Institut National d'Excellence Facteur 4 en Réhabilitation et Construction Durables, à Bordeaux,

  • - SuperGrid, à Villeurbanne.

Ils ont jusqu'au 15 juillet pour faire connaître les évolutions de leur dossier.