Accueil Conseil régional PACA Marseille, ville symbole de la « crise du pétrole »

Marseille, ville symbole de la « crise du pétrole »

A l'occasion du débat général en séance plénière du Conseil Régional, ce vendredi 22 octobre, chaque Groupe a pu s'exprimer 10 minutes sur la situation politique et sociale. Nous avons partagé notre temps entre trois intervenants : Aicha Sif a rappelé notre solidarité avec le mouvement sur les retraites, Pierre Souvet a parlé de la situation des Roms et du droit d'asile. J'ai enchaîné sur la grève au port et dans les raffineries.  Nous sommes d'ailleurs le seul Groupe à partager ainsi notre temps parole et à permettre à deux femmes d'intervenir.

Pour l'anecdote, la veille au matin, j'étais restée bloquée chez moi un certain temps en raison de départ d'incendies dans ma rue. Des gamins avaient mis le feu aux sacs de poubelles qui s'entassaient sur les trottoirs... et se battaient d'ailleurs à côté des départs de flammes, rapidement éteintes, cependant, par les marins pompiers. Surréaliste... Mais représentatif de cette drôle d'ambiance qui règne à Marseille, où chacun retient son souffle, certains blasés, beaucoup solidaires, d'autres revanchards en silence (je pense à l'électorat du Front national, en embuscade). Allez savoir sur quoi tout cela débouchera !

Voici mon intervention, qui porte spécifiquement sur le pétrole :

"Malaise dans la République, malaise dans la civilisation venue de notre vieux 20ème siècle ! C’est particulièrement frappant à Marseille, où nous vivons la grippe de notre système économique, avec sa surabondance de déchets et sa dépendance au pétrole.

 Est-ce un hasard, d’ailleurs, si cette crise du pétrole, qu’on n’ose pas nommer, touche particulièrement Marseille (et Fos) ? Non car nous sommes dans le troisième port pétrolier du monde, avec un bassin pétrochimique qui alimente un tiers de la consommation française de carburant.

 Le conflit du port de Marseille n’est pas la cause mais bien la conséquence d’un déclin annoncé à moyen terme de la pétrochimie. En juillet 2010, bien avant la grève actuelle, le Grand Port de Marseille affichait une baisse du trafic des hydrocarbures de 6%, alors que tous les autres trafics progressaient.

 En avril 2010, à l’occasion du conflit sur la fermeture de la raffinerie des Flandres, les industriels pétroliers annonçaient des surcapacités de raffinage de 10 à 15% en Europe, sous l’effet de la crise économique mais aussi, disaient-ils, des « politiques écologiques ». Ils sont en effet bien placés pour savoir que nous atteignons le pic du pétrole et qu’il faut accélérer la transition énergétique. Ils préfèrent aussi investir à l’étranger, pour produire et polluer moins cher, sans contrainte, et se rapprocher des marchés asiatiques.

 Depuis 1977, le nombre de raffineries est déjà passé de 24 à 17 en France… à cause du nucléaire d’ailleurs. Autour de l’Etang de Berre, nous avons 4 raffineries. A qui le tour ?

 Dans ce contexte, l’application de la réforme portuaire qui prévoit une filiale spécifique au pétrole et semi-privée pour les agents portuaires concernés, est en complète contradiction avec le discours du « développement du port de Marseille ». Voilà les vrais sujets dont personne ne parle, parce qu’il est plus facile de caricaturer les grévistes en les traitant de « nantis ».

 Un conflit social, ce n’est drôle pour personne, ni pour les entreprises menacées, ni pour les salariés qui en sont à plus de 25 jours de grève. Nous en appelons au dialogue. Nous soutenons la demande de table ronde sur l’avenir de la pétrochimie autour de l’Etang de Berre, demandée par la CGT et soutenue par le MEDEF local… mais que l’Etat refuse d’accepter.

 Les grévistes du port et des raffineries n’ont sans doute pas le même avis que les écologistes, sur la nécessité, ou non, de pérenniser l’industrie pétrolière, mais ils partagent la même lucidité sur l’avenir. Et ce n’est pas parce qu’on est écologistes qu’on ne se soucie pas de l’avenir de milliers d’emplois.

 Notre région est donc directement concernée. Elle est interpellée, aussi, dans sa politique économique. Dans la lignée d’AGIR Plus, que nous évoquerons tout à l’heure, nous souhaitons une politique offensive sur les mutations industrielles, qui aide à développer de nouvelles filières d’activité durables.

 La Région Haute-Normandie s’engage dans cette voie. Elle envisage un appel à projets de 150 millions € sur 3 ans pour développer des activités économiques nouvelles, dans 3 domaines principaux : la production de renouvelables, l'efficacité énergétique et les éco matériaux, les déplacements.

 A nous de trouver les moyens et les dispositifs appropriés tout au long de ce mandat.

 Si nous savons anticiper une reconversion écologique de l’économie, nous n’éviterons peut-être pas les conflits sociaux – ce serait prétentieux - mais nous aurons pris notre part à ce qui manque cruellement aujourd’hui aux salariés, précaires, demandeurs d’emplois, aux jeunes de France que l’on dit parmi les plus pessimistes d’Europe : une confiance en l’avenir."