Accueil Economie Emploi Pôles de compétitivité, emploi, environnement : l’exemple du Pôle Pegase

Pôles de compétitivité, emploi, environnement : l’exemple du Pôle Pegase

Les pôles de compétitivité font souvent l’objet de critiques sur leur efficacité, en créations d’emplois notamment. En réalité, il est difficile de porter un jugement global car les situations sont hétérogènes. Pour les écologistes, certains projets des pôles sont de vrais leviers pour la transition écologique de l’économie, d’autres sont neutres, d’autres sont incompatibles avec nos idées (ex. le nucléaire). Il faut donc regarder tout cela au cas par cas.

Une évaluation nationale

Une évaluation nationale des 71 pôles de compétitivité vient justement d’être rendue au Gouvernement (communiqué du 30 juillet 2012), après une enquête de terrain auprès des équipes d’animation et les adhérents des pôles.

Le budget moyen de fonctionnement d’un pôle (hors projets de recherche) est d’1 M€ par an, avec un autofinancement moyen de 28%, auxquels il faut ajouter les financements publics aux projets de recherche proprement dit (Fonds Unique Interministériel Etat / Région ; Investissements d’Avenir). Les projets de recherche et développement financés représente 4,5% des dépenses R& D en France sur la période 2008-2011 (5,7 Mds €)… mais seulement 1 à 1,5% des brevets déposés en France. Cependant, 6500 articles scientifiques ont été publiés, 93 starts ups ont été créées soit 5% de la création annuelle d’entreprises innovantes en France.

Pour le fonctionnement des pôles, l’objectif est aujourd’hui d’atteindre véritablement les 50% de financement privé, via des cotisations variables en fonction des services rendus par les pôles. Cet enjeu du 50/50 répond à des obligations européennes, mais n’est pas une question simple. D’un côté, on peut critiquer le fait que des fonds publics financent des projets privés mais d’un autre côté, cela permet à la puissance publique d’influencer des choix stratégiques d’innovation et de créations d’emplois. Il est important que les financements publics bénéficient essentiellement aux laboratoires publics et aux PME, ce qui est le cas : 44% des financements vont aux organismes publics de recherche, 36% vont aux PME et 10% aux grandes entreprises.

On peut souhaiter que les Grands Groupes soient davantage contributeurs et qu’ils payent pour la recherche… mais il ne faudra pas se plaindre alors de la mainmise des Grands Groupes sur la recherche... et il faudra faire attention que les pôles, qui sont des associations, ne deviennent pas des sous-filiales de Groupes, des ersatz de cabinets privés de conseil ou d’organismes de formation ! En résumé, on comprend que le 50/50 est une sorte de compromis !

Les entreprises adhérentes semblent satisfaites. Elles déclarent avoir créé des emplois pour les deux tiers d’entre elles ; 84% déclarent en avoir maintenu du fait de leur adhésion aux pôles. Elles soulignent aussi avoir bénéficié de l’appui des pôles pour développer leurs chiffres d’affaires, améliorer leur capacité à exporter, mis en place de nouveaux partenariats sur les territoires. La moitié des organismes de formation membres des pôles déclarent avoir fait évoluer leur offre de formation.

Ainsi, le bilan n’est pas spectaculaire mais il montre que les pôles commencent à trouver leur place sur les territoires. Dans les évolutions souhaitées, on retrouve une demande qui remonte beaucoup du terrain en PACA également : la nécessité de renforcer les interventions publiques sur le maillon manquant entre la recherche technologique et la commercialisation. Les bonnes idées et les meilleures inventions possibles ne servent à rien si on ne travaille sur leurs usages et leurs clients potentiels.

Les pôles de PACA bien positionnés

En PACA, il existe 9 pôles de compétitivité, dont 4 se retrouvent classés parmi les 20 « très performants » : Capenergies, Eurobiomed (santé), Mer PACA (industrie navale, énergies marines), Pégase (industrie aéronautique). Dans le peloton des pôles « performants » se trouvent 4 autres pôles de PACA : Optitec, Solutions Communicantes Sécurisées (micro-électronique), Trimatec (écotechnologies pour l’industrie, biomasse algale – Il s’agit d’un pôle interrégional avec Languedoc-Roussilon et Rhône Alpes), et Risques (surveillance environnementale, valorisation des déchets, traitement du CO2). Seul le Pôle Produits Arômes Senteurs et Saveurs (PASS – cosmétique autour de Grasse notamment) est classé parmi les 12 « moins performants ».

Un dialogue constructif avec le Pôle Pégase

Je suis référente du Pôle Pégase et j’avais justement représenté la Région à l’Assemblée générale de Pégase en juillet dernier. Dans une évaluation régionale, le pôle Pégase était aussi arrivé en tête des pôles « exemplaires » pour leur activité, leur souci d’allier innovation technologique et sociétale. L’action en faveur des PME est un point fort du pôle, même si celui-ci est présidé par le gros donneur d’ordre Eurocopter (qui représente à lui seul près de 7000 emplois salariés directs… sur les 35 000 emplois régionaux de cette filière !). Le nombre d’adhérents (PME) a fortement augmenté : 173 en 2009 ; 302 en 2011. Le secteur est dynamique et continue de créer des emplois : plusieurs centaines par an, avec une convention remarquée avec Pôle Emploi. La Région a fortement incité le pôle à travailler sur la qualité de l’emploi et des formations dans les PME sous-traitantes, avec le programme « Donneurs d’ordre / Sous-traitants », en cours de déploiement.

J’ai souligné l’importance de cet enjeu « emploi-formation » pour la Région, ainsi que celui du « développement durable » mentionné dans les axes de travail du pôle. Nous avons besoin d’avancées dans les domaines de l’efficacité énergétique, l’écoconception et le recyclage, la réduction des pollutions, la prévention des risques. Avec le soutien des écologistes, la Région a aidé à financer le démarrage d’un grand programme futuriste : le « ballon strato », plus léger que l’air, qui serait le maillon entre l’avion et le satellite. Le pôle soutient aussi quelques pépites innovantes. Qui sait que nous avons à Sisteron une petite entreprise, Electravia, qui a construit le premier avion électrique ?

Puisqu’il y avait des militaires dans la salle, j’ai rappelé que le « développement durable » était un peu galvaudé aujourd’hui mais qu’il était un enjeu important même pour la Défense : beaucoup de guerres s’expliquent par des conflits sur l’appropriation des ressources naturelles.

J’ai émis, à titre personnel, des interrogations sur un positionnement régional sur les drônes. C’est un sujet déjà très investi par la région Aquitaine. Dans ses applications militaires, les drônes posent des questions sociales et sociétales qui ne sont pas assez discutées, ou tout simplement des questions militaires : Quel avenir pour le métier de pilote, quelles implications dans les chaînes de commandement, quel impact de la « guerre à distance » ? Soulignons cependant qu’un drône (petit avion sans pilote commandé à distance) peut avoir des applications civiles utiles, dans la surveillance des risques naturels par exemple (ex. détection des incendies, inspection d’ouvrages d’art).

Bien sûr, il est un peu surprenant qu’une élue écologiste soit en dialogue de cette manière avec l’industrie aéronautique. J’avoue ne pas me résoudre à une « écologie du désespoir » qui consisterait à faire barrage de mon corps sur les pistes de décollage des avions... même si je peux parfois comprendre le sentiment d'impuissance qui peut s'emparer de tout militant écologiste en ce moment ! Cependant, dans ma position d'élue, il est assez passionnant de constater que, loin des polémiques politiciennes, le monde de la recherche et de l’entreprise avance sur sa « révolution verte ». A nous d’y être attentifs et vigilants pour savoir ce qui s’y passe et tirer les fils de ce que nous voulons voir avancer.