Prévention de la radicalisation : Un séminaire du Conseil Régional du Culte Musulman
Le Conseil Régional du Culte Musulman est une association qui regroupe les représentants des lieux de culte dans notre Région. Sur leur invitation, j'ai assisté le 24 janvier dernier à Marseille à un séminaire sur la « prévention de la radicalisation », avec la participation de représentants de l'Etat et d'Universitaires. Prévue avant le 7 janvier 2015, cette initiative prenait une résonance particulière dans le contexte actuel.
Outre l’État, les collectivités locales étaient invitées et j'y ai représenté la Région, simplement pour écouter et parler « en off » avec des participants. J'ai ressenti un certain regret de la faible représentation des politiques, mais un grand soulagement de voir et d'écouter le Préfet, qui était accompagné également de la Préfète à l’Égalité des Chances. La peur est présente, avec la multiplication des actes contre les Mosquées en deux semaines. Dans les Bouches-du-Rhône, 10 mosquées sont sous surveillance policière, au même titre que plusieurs synagogues.
L'Etat définit la « radicalisation » comme la première étape avant « l'extrémisme puis le terrorisme », ces deux dernières étapes faisant l'objet de traitements de police et judiciaires. Cette radicalisation se repère comme une rupture rapide et brutale, qu'il faut bien distinguer des processus de conversion, définis comme de longs cheminements spirituels. Les interlocuteurs de la plateforme d'appel mise en place pour l'écoute des familles et le signalement des « djihadistes » sont formés à faire la différence. Il ne s'agit surtout pas pour l'Etat d'intervenir dans la définition d'un bon ou d'un mauvais Islam, mais d'empêcher des départs à l'appui d' « indicateurs de basculement ».
La radicalisation « djihadiste » est un processus qui prend naissance au sein même de notre société. Elle part 1/ d'une humiliation ressentie : frustration sociale qui correspond souvent à une réalité vécue, 2/ du sentiment permanent d'être une victime, et permet 3/ l'appartenance ressentie à une communauté islamique virtuelle dans laquelle on va pouvoir jouer au « héros négatif », avec beaucoup de narcissisme. L'accès à la propagande Internet se combine avec des rencontres physiques, dans des lieux de radicalisation : souvent la prison, pas forcément des lieux de culte. Il est cependant difficile de dresser un vrai profil type : ce qui frappe est la diversité des profils et des familles concernées.
Sur ce dernier point, plusieurs réactions dans la salles (imams, aumoniers, responsables de salles de prières) ont confirmé que les jeunes radicalisés fréquentaient rarement les lieux de prières ou connaissaient mal les pratiques religieuses. Certains ont évoqué un clivage de générations et la difficulté de s'adresser à la jeunesse... là où les terroristes savaient parfaitement « maîtriser les codes » qui parlent à la jeunesse d'aujourd'hui.
J'ai bien entendu aussi que ces représentants de la religion musulmane ne prétendaient pas du tout se substituer au travail nécessaire de l'école publique et laïque : « Chacun à sa place ; chacun ses responsabilités » mais voulaient pratiquer leur religion en paix.
Ma conviction qu'il ne faut surtout pas toucher à la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat en a été renforcée. Cette loi est le résultat d'un conflit qui a opposé, il y a plus d'un siècle, une Eglise forte et une Ecole républicaine forte (Le Curé contre l'Instituteur). Aujourd'hui, une religion comme la religion musulmane est très peu structurée ; et l'école républicaine est en plein questionnement sur elle-même, relativement affaiblie. Ce contexte n'est pas favorable pour ouvrir la boite de Pandore, avec des résultats que personne ne maîtriserait : ni l'Etat, ni les français musulmans, traversés de multiples sensibilités et qui veulent surtout qu'on leur fiche la paix.
Réaffirmer et ré-expliquer les principes de laïcité n'empêche cependant pas de dialoguer ni de connaître les religions, ne serait-ce que pour éviter la diffusion des préjugés. En la matière, des initiatives comme ce séminaire, qui permettent de se rencontrer, ont plutôt vertu apaisante.