Marseille : Porte d’Aix, Porte de la Misère. Un appel aux Indignés
Fin de ma bulle aquatique mais il ne faut pas croire qu'en étant sous l'eau, on est indifférent à ce qui se passe autour de nous.
Voici une tribune que le site Rue89 a accepté de passer. Merci à eux.
Notre bonne ville de Marseille s'est retrouvée sous les feux des médias à plusieurs reprises cet été : le racket organisé à l'entrée d'un parking, l'installation d'un campement de Roms dans des conditions innommables, suivie de son expulsion manumilitari. Ces deux faits divers n'ont rien en commun, faut-il le rappeler... sauf leur lieu : La Porte d'Aix, à l'entrée de la Ville, arrivée et sortie d'autoroutes couronnée d'un ironique et insolite « Arc de Triomphe ».
Le conseil régional PACA est situé Porte d'Aix. Élue Europe Écologie Les Verts, j'y passe donc régulièrement et j'ai pris l'habitude de porter un regard presque sociologique sur cette place. C'est le cœur de Marseille, qui bat au rythme de sa Ville, mais aussi des soubresauts du monde. Je n'ai pas besoin d'allumer ma télévision pour suivre l'actualité. Il suffit de passer « Porte d'Aix ». Outre les Roms, ces orphelins de l'Europe, on y a vu par exemple des réfugiés tunisiens au lendemain de la Révolution. Faut-il rappeler alors la réaction disproportionnée de l'État français qui s'est permis d'arrêter tous les trains régionaux et de réaliser des contrôles au faciès massifs pour chasser quelques dizaines de réfugiés ? Nous avions protesté avec vigueur à l'époque [ communiqué EELV publié entre autres sur mon blog : http://sophiecamard.europe-ecologie.net/category/securite-libertes ] : . Aujourd'hui, les menaces d' « invasion tunisienne » sont tombées dans les oubliettes médiatiques. Nous avions affaire à un épiphénomène qu'il fallait analyser comme tel, au lieu de se noyer dans une pathétique panique d'État, pauvre course à l'échalotte derrière le Front National.
La Porte d'Aix, c'est aussi l'un des endroits les plus dangereux pour la circulation automobile à Marseille : Travaux interminables, entremêlement de flèches au sol, feux tricolores un peu fous, marchés aux puces sauvages et piétons qui envahissent la chaussée, sans aucune protection bien sûr. On y a ainsi connu un fait divers tragique : un automobiliste poignardé suite à une sombre engueulade de bagnole. Et oui, c'était aussi Porte d'Aix ! Là aussi, quel symbole de Marseille : l'asphyxie automobile et son cortège d'incivisme qui peut aller jusqu'au meurtre !
Face à cela, la Ville de Marseille réagit avec... un laisser-faire très cynique, secoué de temps en temps par quelques coups de bâton policiers. Evidemment, cette politique n'offre aucune solution. Elle est typiquement libérale dans la mesure où elle ne prévoit aucun volet social et se contente de faire intervenir la police lorsque l'état d'insalubrité provoqué par la misère devient trop insupportable et qu'il faut faire un peu de mousse médiatique.
Cette Ville a trouvé les moyens de dépenser 50 millions d'euros pour un incongru Palais de la Glisse ou de la Glace, de prévoir un budget de 150 millions d'euros pour rénover le Grand Stade Vélodrome et son quartier dont un tiers financé sur fonds publics, de faire dépenser à la Communauté urbaine plus de 40 Million € par an pour un scandaleux incinérateur exilé chez nos voisins de Fos. Elle n'a donc aucun centime à dépenser pour un réseau d'infrastructures d'accueil et d'hébergements d'urgence ? Cette Ville prétend devenir une grande métropole moderne. Pense-t-elle que l'ouverture au monde se résumera au développement des containers et du tourisme de luxe, et qu'elle puisse se dédouaner d'une réelle politique d'accueil des migrants quels qu'ils soient ? Cette politique d'accueil doit se doubler d'une lutte sans merci contre les trafiquants d'êtres humains, lesquels prolifèrent, il faut bien le dire aussi, sur le durcissement sans fin des législations sur l'entrée et le séjour des étrangers.
Quant au Maire de Marseille ou au Préfet, s'il leur arrivait de penser avec un malin plaisir que l'accumulation de la misère au pied d'un Conseil régional gouverné par la gauche nous ennuie, qu'ils sachent que oui, elle nous attriste, mais que non, elle ne nous fait pas honte. C'est notre incapacité à agir qui nous fait honte.
Au Conseil régional, nous avons cependant voté un protocole d'accord pour une intervention régionale coordonnée en direction des populations Roms, avec dix associations dont Médecins du Monde, Fondation Abbé Pierre... Cet accord prévoit des actions d'urgence (centre d'hébergement, fonds d'intervention et d'équipement), l'accès aux droits, l'intégration et la sensibilisation du grand public (Délibération 11-21 du 18 février 2011 – Compte rendu sur le site Marsactu : http://www.marsactu.fr/2011/03/30/une-premiere-pierre-vers-la-fin-des-bidonvilles-a-marseille).
Mais qui s'y intéresse et qui se mobilise à la Ville de Marseille pour l'appliquer, ou pour faire appel au nouveau dispositif européen des Médiateurs Roms du Conseil de l'Europe (Programme ROMED) ? Le Président du Conseil régional, Michel Vauzelle, a renouvelé son aide cet été pour les Roms... mais n'a reçu aucune réponse.
Alors la porte d'Aix est-elle non seulement la porte de la Misère mais aussi celle de notre Impuissance ? Nous voudrions croire à un sursaut d'indignation citoyenne dans cette ville qui passe souvent, comme le mistral, de l'immobilisme fataliste à la révolte imprévisible. Et si on sortait des caricatures et des galéjades, des projets coûteux-fumeux, de la confiscation de l'intérêt général par des groupes d'intérêt privés au détriment de cette ville et de ses habitants ? Et si la Porte d'Aix devenait un rendez-vous des Indignés marseillais ? Bien sûr, cela ne dépend pas de moi seule, mais j'en émets le souhait.